Illustration jumeau numérique

Vers des jumeaux numériques ?

Vers des jumeaux numériques ?

Axe 4 : Représentation in silico de systèmes biologiques

La biologie numérique offre de nouvelles possibilités pour surveiller, expérimenter et agir sur des systèmes biologiques et environnementaux, en s’appuyant sur des représentations numériques de ces systèmes et leur mise à jour à haute fréquence, grâce aux technologies de capture et de transmission de l’information.
Ces caractéristiques constituent les fondements du concept de « jumeau numérique », dont l’application encore émergente en sciences du vivant et de l’environnement promet de véritables avancées pour anticiper et intervenir sur ces systèmes , dans une vision dynamique et intégrative.

Dans le contexte de la transition numérique, le concept de « jumeau numérique », apparu dans les années 70 et issu du monde industriel, rencontre un nouvel écho et connaît de nombreux développements, non seulement dans le domaine de l’ingénierie, mais aussi de la recherche et de l’innovation. 
Dans le cadre du Métaprogramme DIGIT-BIO, INRAE lance plusieurs projets « Jumeaux numériques » pour explorer les possibilités qu’offre ce concept dans ses domaines d’application, tout en étant attentif aux débats que suscite son usage.

Qu'est-ce qu'un jumeau numérique ?

La définition du jumeau numérique varie sensiblement d’une communauté à l’autre, en fonction des objets et des usages concernés. Un jumeau numérique (JN) peut-être défini [1] comme la représentation numérique d’un objet ou d'un système (physique ou biologique ; e.g. cellule, tissu, plante, animal, exploitation agricole), dont l’échelle peut aller de la cellule jusqu’à la planète Terre,  avec 3 caractéristiques principales :   

  1. Un flux de données et d’informations entre l’objet physique et sa représentation numérique, recueillies grâce à des capteurs, de l’imagerie, des objets connectés ou des dires d’experts, conduisant à des mises à jour régulières et dynamiques du jumeau numérique ;
  2. Des modèles et des algorithmes (basés sur la modélisation et la simulation de systèmes dynamiques, sur de l’apprentissage automatique ou sur des approches hybrides) qui assimilent les données d’entrée et mettent à jour des codes numériques permettant de prédire l’état du système et son évolution avec un niveau de fiabilité élevé, en intégrant les effets de l’environnement ;
  3.  Des capacités de rétroaction et 'd’aide à la décision' permettant d’agir au cours du temps sur l’objet physique, au vu des informations et prédictions fournies par le jumeau numérique, en temps réel (via du rétrocontrôle automatique ou semi-automatique) ou en décalé (via des opérateurs humains pouvant agir sur le système).

De façon plus succincte, le jumeau numérique peut être défini comme « une représentation numérique d’un objet ou d’un système, mise à jour par un flux de données, dotée d’une capacité prédictive et de rétroaction, permettant d’intervenir de façon dynamique sur la trajectoire du système réel, via du contrôle automatique ou de l’aide à la décision ».

Dans certains contextes, le jumeau numérique désigne plutôt un espace numérique conçu pour rassembler toutes les données et connaissances recueillies sur un objet ou un système complexe, dans un objectif de partage et de transparence entre les communautés s’intéressant à cet objet.  Dans la suite, nous retenons l’acception plus opérationnelle du jumeau numérique, intégrant les trois points développés ci-dessus.

Schéma JN 2024.jpg

Jumeau numérique : schéma de principe proposé par le groupe de travail du métaprogramme DIGIT-BIO (1)

Jumeau numérique ou modèle ?

Un jumeau numérique se distingue d’un modèle au sens classique du terme par :

  • Un niveau de complexité de l’objet ou du système d’intérêt (multi-composants, multi-échelles, dynamique non stationnaire, etc.) nécessitant un saut technologique pour sa représentation virtuelle, à l‘échelle individuelle ;
  • Une ambition (plus ou moins réalisable selon les cas) de rassembler dans le jumeau numérique un ensemble, aussi large que possible, de données et de connaissances pertinentes recueillies sur cet objet et sur son environnement, toujours à l’échelle individuelle ;  
  • La présence d’un environnement logiciel élaboré dans le jumeau numérique, permettant de construire à partir des données et connaissances recueillies une véritable représentation virtuelle de l’objet réel et de son évolution ;
  • Des capacités de rétroaction sur le système réel d’intérêt, le même que celui qui est observé, guidées à partir de sa représentation virtuelle.

Le jumeau numérique est également porteur d’une véritable transformation des pratiques pour la recherche, ouvrant la possibilité d’orienter l’expérimentation de façon dynamique en s’appuyant sur la mise à jour des prédictions et sur des méthodes d’aide à la décision.

Enfin, en étant associé à un individu ou à un système, le jumeau numérique permet de prendre en compte la variabilité inter-individuelle, ouvrant ainsi une dimension nouvelle dans les possibilités de modélisation.

Jumeaux numériques en sciences du vivant : un nouveau cadre de recherche ?

La transposition du concept de jumeau numérique à d’autres domaines que l’industrie et à d'autres activités que l’ingénierie est encore émergente et peut soulever de nombreuses questions, voire réticences lorsqu’il s’adresse au vivant.

L’emploi du terme « jumeau » en lui-même interpelle : peut-on vraiment parler de « jumeau » numérique d’un être humain, d’un animal, ou d’un autre système vivant, dont la complexité et la variabilité rendent impossible toute reproduction strictement identique à la réalité ? Il y a une symétrie entre des jumeaux biologiques, qui n’a clairement aucun sens dans le concept de jumeau numérique. C’est pourquoi lorsqu’on en débat, certaines personnes préconisent l’emploi d’autres dénominations (tels qu’qu’  « avatar »), moins anthropomorphes et donc moins ambiguës.

Au-delà du terme en lui-même – qui est finalement désormais entré dans le langage commun, même s’il peut faire débat – c’est surtout le concept qui doit retenir l’attention, car il offre un cadre nouveau, potentiellement transformant, pour développer de futures recherches interdisciplinaires autour d’un objet ou d’un système d’intérêt, afin d’améliorer les connaissances sur cet objet ou ce système avec un objectif opérationnel, via sa représentation numérique.

Afin d’explorer ce concept avec une vision critique, INRAE a mis en place depuis 2021 un groupe de réflexion sur le sujet.

Les projets qui démarrent en 2024, financés dans le cadre du metaprogramme DIGIT-BIO nous permettront d’avancer sur l’appropriation de ce concept, d’affiner notre vision des possibilités qu’offrent les jumeaux numériques appliqués au vivant et les ambitions que nous pourrons en attendre.

Les défis méthodologiques de l'axe 4

Tout en mobilisant les recherches développées dans les axes 1, 2 et 3 de DIGIT-BIO, les projets relevant de l’axe 4 aborderont des questions plus spécifiques à la mise en œuvre du concept de jumeau numérique telle que nous l’avons défini ci-dessus, notamment :

  • Développer la représentation de quelques systèmes sélectionnés pour leur intérêt et pour la maturité de leurs modèles en s’inspirant du concept de jumeau numérique ;
  • Identifier les données réellement nécessaires ainsi que les méthodes et technologies pour assurer les mises à jour du jumeau numérique ; 
  • Montrer l’apport des technologies du jumeau numérique pour donner accès à des connaissances manquantes, ou coûteuses à acquérir, sur l’état et les fonctionnalités du système ;
  • Adapter au concept de jumeau numérique l’exploration par la simulation du comportement des systèmes modélisés ;
  • Développer les interfaces homme-modèle, explorer et visualiser l’espace des prédictions ;
  • Mettre en place des stratégies de rétroaction du jumeau numérique vers le système (entité réelle), adapter les processus et piloter les systèmes dans le temps, en réponse à des environnements fluctuants ;
  • Identifier les indicateurs permettant d’anticiper des perturbations de système et mettre en place des stratégies pour les mesurer de façon dynamique ;
  • Dans un contexte recherche, développer les méthodes pour guider l’expérimentation de façon dynamique à partir d’un jumeau numérique.

[1] Définition et schéma proposés par le groupe de travail « Jumeaux Numériques » du métaprogramme DIGIT-BIO : Carole Caranta (INRAE), Michael Chelle (BRGM), Marjorie Domergue (INRAE), Fabien Jourdan (INRAE), Hervé Monod (INRAE), Masoomeh Taghipoor (INRAE), Irène Vigneron Clémentel (INRIA)

Voir aussi

Nos projets emblématiques jumeaux numériques : 

Date de modification : 19 avril 2024 | Date de création : 10 janvier 2022 | Rédaction : Marjorie Domergue